Le Petit-Duc scops, seul hibou migrateur transsaharien nicheur en Suisse, est également l'un des symboles de la raréfaction des oiseaux liés aux milieux agricoles traditionnels.
En Suisse, il se rencontre essentiellement dans les pâturages extensifs et les vergers hautes-tiges dotés de vieux arbres à cavités.
Depuis plus d'un demi-siècle, l’intensification de l’agriculture et la disparition progressive des vergers traditionnels parfois accélérée par des campagnes de lutte contre l’alcoolisme en milieu rural, qui consiste à inciter les paysans à arracher leurs arbres fruitiers avec lesquelles ils fabriquaient de l’alcool frelaté (et qui tapait fort). Chaque arbre abattu valait une prime pécuniaire incitant les classes populaires à ces pratiques d’argent facile.
C’est à cause de ces différentes raisons que l’habitat de l’espèce s'est vu réduit drastiquement en seulement quelques décennies et que le Petit-Duc a ainsi vu ses effectifs s'effondrer, au point que, dans les années 2000, il ne subsistait en Suisse plus qu’un seul couple et quelques mâles chanteurs, cantonnés en Valais.
Alors que les perspectives semblaient bien sombres, une dynamique positive s'est amorcée ces dernières années.
Les raisons précises de ce renouveau restent floues : s’agit-il d’un effet du réchauffement climatique ? De plusieurs bonnes saisons de reproduction dans les pays voisins ? Toujours est-il que les effectifs sont en nette progression.
Aujourd'hui, on compte plus de 80 mâles chanteurs en Valais, près d’une vingtaine au Tessin, et des chanteurs isolés apparaissent çà et là sur le Plateau suisse ainsi que dans certaines vallées alpines.
Dans le canton de Genève, le Petit-Duc était relativement abondant jusqu’à la seconde moitié du XIXᵉ siècle, avant de décliner progressivement.
La dernière nidification confirmée remonte à 1956, à Soral.
Depuis, seuls quelques mâles chanteurs ont été entendus sporadiquement dans la campagne genevoise.
Un espoir est toutefois apparu en 2012 avec la nidification surprise (et réussie) d'un couple dans la commune de Meinier.
Malheureusement, aucune autre reproduction n'a été détectée depuis cette date.
Le 28 mai 2023, lors d'une soirée d'écoute du Grand-Duc au pied du Salève, aux portes sud du canton de Genève, Nicolas Millo et Noah Clerc eurent la surprise d'entendre le chant d’un Petit-Duc en contrebas de la falaise.
À ce moment-là, il s'agissait sans doute d’un oiseau en escale, une belle observation, mais rien de plus. Ou du moins, c’est ce qui laissait paraître…
Cependant, lors d'une nouvelle sortie au même endroit le 13 mai 2024, ils entendirent à nouveau un Petit-Duc… et cette fois-ci, il n’était pas seul : un deuxième mâle et une femelle étaient présents, la femelle répondant aux chants des mâles !
Intrigués, plusieurs sorties furent organisées dans les semaines suivantes. Plusieurs individus furent observés jusqu'à la mi-juillet, et certains comportements (comme des cris d’alarme de la femelle) laissaient entrevoir une possible tentative de reproduction, même si aucun poussin n'a pu être confirmé.
Fortes de ces observations encourageantes, les membres de la section genevoise du GdJ ont lancé un projet de suivi et de soutien à l'espèce au pied du Salève.
L'objectif est clair : favoriser l'installation d'une population durable, capable à terme de recoloniser le bassin genevois.
Concrètement, plusieurs nichoirs spécialement conçus pour le Petit-Duc ont été construits et installés autour des sites d’observation.
Parallèlement, des prospections ciblées en soirée sont prévues dès le printemps 2025 dans d’autres secteurs du canton pour détecter de nouveaux territoires potentiels et, si besoin, y installer d'autres nichoirs.
Les premiers nichoirs ont été posés début avril 2025.
Il ne reste plus qu'à espérer que les Petits-Ducs entendus l’an dernier reviendront, et que l’un d’eux choisira d’y élever une nichée… Affaire à suivre !